Le président fantôme gesticule à propos de la colonisation (source: Le Monde):
Une « mission pluraliste pour évaluer l’action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l’histoire », telle est la proposition du président de la République, Jacques Chirac, pour que « les esprits s’apaisent » à la suite de la polémique sur la colonisation.
Pluraliste ? C’est-à-dire ? Composée d’historiens de toutes les couleurs politiques et ethniques, religieuses ? Les faits sont-ils différents si l’historien est de gauche ou de droite ? Noir ou blanc ? Juif ou chrétien ? Cela garantit-il la compétence ?
Un historien peut avoir son opinion, mais il entre alors dans le domaine « politique », surtout quand il s’agit faire le bilan de la colonisation. Du bon et du mauvais, on peut en trouver à foison: de l’abolition de l’esclavage à l’éducation gratuite, des routes et dispensaires, et aussi aux massacres de rebelles, à la mise en coupe réglée par des compagnies monopolistiques, au manque de considération pour les « indigènes »…
Savoir si la colonisation est « bonne » ou « mauvaise » est impossible à affirmer de manière définitive… à un niveau individuel, pour les personnes de l’époque, cela aurait été possible: l’enfant sauvé par la médecine occidentale, ou le tirailleur sénégalais envoyé dans les tranchées de Verdun. Mais tirer un bilan global ? Un enfant sauvé vaut combien de tirailleurs ? Une route vaut combien de morts pour sa construction ? C’est impossible à dire et établir un tel bilan n’est pas seulement absurde mais simplement abject. La « mission pluraliste » va donc s’enfoncer dans un consensus politique, car il n’y a pas de réponse historique. Elle va donc se contenter de célébrer « l’oeuvre humanitaire de la France », et regretter « les erreurs passées » (reconnues et admises depuis longtemps d’ailleurs…).
Vendredi 9 décembre, le chef de l’Etat a précisé qu’il avait proposé la constitution de cette mission au président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, qui l’a acceptée. Cette mission devra, entre autres, »écouter toutes les sensibilités et devra s’entourer d’historiens ». « Une réflexion sereine » doit être engagée « sur les zones d’ombre de l’histoire », a précisé Jacques Chirac. Les premières conclusions devraient être rendues d’ici à trois mois. Le président a prévenu qu’il serait « très attentif aux recommandations qu’elle fera ».
Quel naïf je suis! La mission ne sera pas composée d’historiens, mais de politiciens nommés par JL Debré! Le rôle des historiens ? Périphérique, secondaire! Et bien sûr, au choix des hommes politiques composant la « mission ». Comment imaginer une seule seconde que le rapport ne soit pas politique dans ces conditions ? Surtout que Chirac en rajoute une couche: il sera « attentif aux recommandations ». Lesquelles ? Que peut recommander une telle « mission » ? N’a-t-elle pas pour but d’éclairer les « zones d’ombre » ? Quel est donc l’objectif réel de cette commission ?
L’annonce de cette création permet à Jacques Chirac de ne pas trancher immédiatement la question en s’en remettant aux propositions de la commission.
1er objectif: gagner du temps pour Chirac. On se demande pourquoi, car le temps joue de toute façon contre lui. Incapable de diriger, c’est-à-dire de trancher, de prendre des décisions, il préfère botter en touche lorsque vient un sujet fondamental.
Le président de la République a également demandé au gouvernement que la Fondation sur la mémoire, prévue dans la loi controversée du 23 février 2005 mentionnant « le rôle positif » de la colonisation française, soit créée « dans les meilleurs délais ». Il a reconnu que cette loi « suscite un débat sur notre mémoire, un débat sur l’histoire de la France outremer ».
2nd objectif: placer des copains. Et une Fondation de plus! Avec votre argent messieurs dames! Vous la financerez que cela vous plaise ou non! Il y placera certainement des potes, avec émoluments sympathiques, réunions-dîners fréquents, et voyages à l’oeil.
Quant au débat en France outremer, les plus excités sont les Martiniquais et les Guadeloupéens alors que justement eux n’ont jamais été colonisés: ils ont colonisé ces îles, vendus en tant qu’esclaves par d’autres Africains… Descendants d’esclaves, ils ont aujourd’hui les mêmes droits que tout autre Français.
Face à la polémique grandissante, notamment dans les départements français d’outremer, M. Chirac a réaffirmé que « ce n’est pas à la loi d’écrire l’histoire ». « L’écriture de l’histoire, c’est l’affaire des historiens », a-t-il insisté en soulignant que « dans la République, il n’y a pas d’histoire officielle ».
3ème objectif: conserver les apparences. Il n’y a pas d’histoire officielle, sauf celle de la mission politique nommée par des hommes politiques, qui rendra un jugement politique, sanctionné par le président de la République. L’alibi ? La présence de quelques historiens en marge de la commission.
« Il faut que vienne le temps d’une réflexion sereine dans le respect des prérogatives du Parlement, dans la fidélité à nos idéaux de justice, de tolérance et de respect, dans un esprit d’unité et de rassemblement », a conclu le président de la République.
4ème objectif: l’histoire doit servir la tolérance et le respect, la justice et l’esprit d’unité et de rassemblement. Il suffit pour ça de nommer la mission adéquate, et de créer la Fondation ad hoc. La vérité ? Si ça sert les intérêts politiques uniquement…