Rémy Ourdan, le correspondant du Monde en Iraq ne se lasse pas de dépeindre le nouvel Iraq comme le Grand Chaos, où les forces de la Résistance s’opposent à celles de l’impérialisme yankee. Voici une petite attaque en règle contre son dernier article: Fallouja mobilise ses guerriers avant l’assaut.
Aux factions armées sunnites s’ajoutent les moudjahidins étrangers. la ville rebelle est un bastion de la résistance au « nouvel Irak »
Aussi appelée « the bomb factory » par les forces iraqiennes et US, la ville de Fallujah concentre les crapules de toutes sortes: baasistes en mal de victimes, terroristes en manque d’infidèles.
FALLOUJA, la Cité des mosquées aux quatre-vingt-trois minarets, « Mecque des moudjahidins » pour ses imams, attend l’assaut. Elle craint un déluge de feu. Depuis que ses combattants ont infligé, en avril, sa première défaite militaire à l’armée américaine, la ville rebelle sunnite sait qu’elle a rendez-vous avec la guerre. « La vie, témoigne un messager de la guérilla, s’est arrêtée à Fallouja. »
Fallujah, bientôt élevée au rang de « ville martyre » par Rémy Ourdan et ses complices journalistes, « ville sainte » pour les terroristes. Bien sûr, « la ville redoute l’assaut », même si certainement parmi les centaines de milliers d’habitants beaucoup seraient très heureux de se débarasser des hôtes indésirables, car leur présence entraîne d’inévitables combats… Pourquoi parler aussi du déluge de feu ? Tout le monde sait que l’armée US ne pratique plus le carpet bombing depuis 1945, même si nombre d’Iraqiens shiites, y compris au sein du gouvernement d’Allawi, souhaiteraient voir Fallujah rasée pour l’exemple ou la vengeance.
Quant à la première défaite militaire de l’armée américaine en Iraq, on l’attend toujours. En avril dernier les Marines se sont retirés après des négociations plutôt que d’aller au bout (voir par exemple Daily Telegraph). Dommage, cela fait 6 mois de perdus alors que de toute façon ce travail devait être accompli un jour, même s’il pouvait y avoir un tas de raisons pour remettre à plus tard. Mais dire que c’est une défaite! A aucun moment les Marines n’ont été mis en défaut militairement à Fallujah. Ils n’ont pas eu de prisonniers. Ils n’ont pas subi de revers où ils auraient perdu ne serait-ce que 10 hommes en un seul point en une journée. Ils n’ont jamais cessé leur progression du fait de l’adversaire.
La situation à Fallouja connaît plus de deux différences majeures par rapport au mois d’avril. Presque toute la population civile a quitté la ville, et beaucoup de combattants arabes étrangers, liés au djihad international, sont arrivés, de l’aveu même de chefs de la guérilla. Ces deux différences pourraient inciter les Américains à ne pas faire de quartier. Sans parler du fait que l’armée américaine, qui a perdu une centaine d’hommes en avril, n’envisage certainement pas une seconde défaite cuisante.
La population civile a quitté la ville ? Comme c’est étrange… peut-être parce que vivre entre des saddamites et des islamistes ce n’est pas exaltant ? Peut-être que les hôtes sont plus des parasites que des poissons dans l’eau ? Peut-être parce que les frappes ininterrompues des forces US ont rendu les terroristes complètement paranos au point qu’ils rendent la vie impossible aux locaux ? Peut-être parce que l’économie n’existe plus dans une ville coupée du monde, à part l’industrie d’import/export d’explosifs ?
Et que dire des pertes US selon Rémy Ourdan: 100 hommes à Falloujah en Avril ? Il y a eu 136 Américains tués en avril dans tout l’Iraq. Fallujah était une zone de combat urbaine, où les armes les plus puissantes ne peuvent pas forcément être employées, d’autant qu’à l’époque les civils y étaient encore nombreux. Et qui sait combien de terroristes ont été éliminés au cours du mois d’avril ? Tous les rapports US donnaient un ratio allant de 1 pour 10 à 50 (lisez pour cela quelques dépêches: Samarra: over 100 enemies killed, US troops ambushed in N Iraq, Hundreds of insurgents killed et éventuellement Tactiques mortelles de l’armée US). En gros pour 136 soldats US tués, une estimation rapide donne 2, 3 voire 4.000 terroristes tués. Défaite pour qui ? Cuisante ? Ce pauvre journaliste s’intoxique de ses propres mensonges…
Pour les Etats-Unis, Fallouja n’est pas que le premier « émirat moudjahid » d’Irak. La ville serait aussi le repaire d’Abou Moussab Al-Zarkaoui et le quartier général de son mouvement, Tawhid wal-Jihad (Unification et djihad), qui viennent de prêter allégeance à Oussama Ben Laden et à Al-Qaida. Al-Zarkaoui, un islamiste jordanien dont la tête est mise à prix 25 millions de dollars, autant que Ben Laden, est présenté par Washington comme son ennemi numéro un en Irak.
En effet, Fallujah n’est pas le premier émirat mujahid, il est le seul puisque Samarra et Ramadi sont de nouveau sous contrôle gouvernemental iraqien. Quant à Al Zarqawi, son appel à l’aide à Ben Laden (sa déclaration d’allégeance) ne le sauvera, même si 25 millions de dollars n’y suffiront peut-être pas.
Par ailleurs, pour le premier ministre irakien, Iyad Allaoui, Fallouja est le symbole de l’opposition au nouvel Irak et au processus politique censé mener à des élections en janvier 2005. La reconquête de Fallouja serait, pour Washington comme pour Bagdad, et même si Al-Zarkaoui n’était pas tué ou capturé, et même si elle ne signifie pas la fin de la guérilla en Irak, une victoire cruciale.
La guérilla ? Actuellement combien de morts sont dus à des IED, c’est à dire des mines artisanales, par rapport à des contacts directs entre forces US/iraqiennes et terroristes ? Dès qu’il y a engagement militaire les terroristes sont mis en pièces. Ce n’est pas une guérilla, c’est du terrorisme dirigé en partie vers les forces US, mais étant donné le niveau de protection et la capacité de riposte de celles-ci les efforts terroristes se tournent vers les Iraqiens. Les Iraqiens principales victimes des « résistants » ? Amusant de tuer ceux que l’on prétend libérer… (notez que c’est exactement l’accusation débile que lancent les « antiguerres » envers les Américains, dans un retournement classique de la réalité, un parfait exemple du « monde à l’envers »).
Ceci dit évidemment qu’Allawi a besoin de mettre au pas Fallujah, pour gagner une large légitimité parmi le reste de la population (Kurdes et Shiites, et même Sunnites fatigués d’être laissés pour compte du nouvel Iraq…).
Les chefs rebelles de Fallouja mènent, ces dernières semaines, deux actions parallèles : d’un côté, ils discutent avec le gouvernement Allaoui pour tenter d’éviter un assaut américano-irakien ; de l’autre, ils préparent la bataille. Les négociations ont été interrompues après un ultimatum d’Iyad Allaoui exigeant que Fallouja livre Al-Zarkaoui, tandis que les dignitaires de la ville assurent ne pas savoir où il se cache
Sachant qu’il y a des dizaines de factions « rebelles », il faut distinguer un peu qui négocie et ce qui est négocié: ce sont les chefs tribaux, donc les « locaux » qui négocient. Leur ville devient le théâtre de batailles rangées entre islamistes et forces iraqiennes, et plus le temps passe plus ils se rendent compte qu’ils sont dans une impasse. Que faire ? Gagner du temps en négociant l’expulsion des terroristes étrangers contre une parcelle du pouvoir dans les mois qui viennent. Difficile d’accéder à cette demande pour Allawi quand la parole donnée a été trahie une première fois par les mêmes personnes en avril. D’où la demande de livrer Zarqawi, ce qui est certainement hors de portée des tribus sunnites de Fallujah pour lancer quoiqu’il arrive les opérations contre Fallujah.
Les ordres viennent, comme en avril, des mosquées Saad ibn Abi Wakkas de l’imam Abdallah Al-Janabi, et Al-Hadra Al-Mohammadiya de l’imam Dhafer Al-Oubeydi. Tandis que l’imam Janabi s’est assuré le contrôle d’une « Choura des moudjahidins », assemblée réunissant la majorité des « émirs » commandant les factions armées, l’imam Oubeydi accueille une « Choura politique », présidée par le cheikh Tarloub Abdel Karim Al-Alousi, réunissant chefs de tribu, chefs religieux et notables. Le cheikh Taghloub Al-Alousi, de facto chef politique de la guérilla de Fallouja même si les décisions sont prises collégialement et que la parole des imams et des émirs de la rébellion pèse énormément, n’est guère optimiste. « Les Etats-Unis veulent une bataille à tout prix. Ils pensent qu’une conquête de Fallouja arrêtera la résistance en Irak. Ils sont stupides… dit-il. Nous, nous préférerions que la négociation aboutisse et qu’on puisse reconstruire notre ville, mais nous sommes prêts au combat. Les résistants de Fallouja sont les meilleurs d’Irak. Ils sont prêts à combattre jusqu’à la dernière goutte de sang. 80 % de nos jeunes ont rejoint la résistance, car ce serait une honte pour une famille si un jeune homme ne combattait pas. »
Rémy Ourdan ne peut écrire un article sans citer un terroriste. Inversement s’il cite un Américain c’est pour dénoncer ses propos. Passons.
Au moins les islamistes sont réalistes, même si la présentation est fallacieuse: ce ne sont pas les Américains qui veulent se battre, mais les Iraqiens, Allawi en tête. Il préfèrerait négocier ? Négocier quoi ? « Laissez nous faire des bombes pourqu’on puisse continuer notre carnage tranquillement ? »
Le cheikh n’écarte toutefois pas l’hypothèse d’une retraite temporaire, en cas de pression militaire trop forte. « Les Américains peuvent détruire Fallouja et ses 120 000 maisons. Mais ils ne peuvent pas tuer tout le monde. Les moudjahidins peuvent s’adapter, s’échapper puis revenir. Les moudjahidins ne mourront pas. »
Bien évidemment l’armée US ne détruira pas Fallujah, pas plus que Najaf, Samarra, Ramadi, ou Bagdad. Bien sûr un grand nombre de jihadistes sera épargné. Les lâches fuieront, puis reprendront leur AK47 quelques temps plus tard. Mais à chaque passage de l’armée US et des forces Iraqiennes un grand nombre ne sera plus là pour continuer le combat…
Le cheikh admet, par ailleurs, que Fallouja connaît un problème lié à l’arrivée de djihadistes étrangers, qui seraient, selon lui, « très nombreux, plus de 1 500 ». La guérilla sunnite avait jusqu’à présent du mal à admettre cette présence encombrante, même si certains avaient commencé à la reconnaître. Le cheikh Al-Alousi commence par défendre la présence des « Arabes », comme les Irakiens les appellent. « Ces combattants sont nos frères musulmans venus nous aider. Pourquoi les Etats-Unis pourraient avoir le soutien armé de plus de trente pays, et nous aucune aide de l’étranger ? Et puis, de toute façon, est-ce nous qui avons envahi les Etats-Unis, ou les Etats-Unis qui ont envahi l’Irak ? »
[note :Cet article est amusant car je croirais relire mot à mot un précédent article d’Ourdan sur le sujet.]
Tiens, moi qui croyait que les USA étaient en Iraq « unilatéralement » ? Soutien de plus de 30 pays ? La vérité sort de la bouche des jihadistes!
Quelques jours plus tard, le cheikh n’a pas changé d’avis mais admet que la présence des volontaires du djihad ne satisfait pas tout le monde à Fallouja. Il confirme même l’information selon laquelle moudjahidins irakiens et djihadistes étrangers ont eu des accrochages armés. « C’est vrai, il y a eu des incidents. Des Irakiens sont fatigués de la présence des Arabes, qui se cachent dans leurs maisons lorsque l’armée américaine bombarde. »
Hôtes ou parasites ? Quand votre maison devient cible désignée parce qu’un tas de tarés du jihad s’invite, je vous laisse imaginer la réaction de l’occupant. « Salut, moi et mes potes jihadistes on vient te libérer, mais d’abord on veut à boire et à manger et t’inquiète pas si quelques missiles tombent, on a des copains dans le bâtiment on te fera un prix… »
« Il est vrai qu’il y a des centaines de moudjahidins étrangers à Fallouja, mais il est faux que nous souhaitons leur départ, raconte F., le messager de la guérilla. Ces hommes ne sont pas là dans leur propre intérêt mais pour le djihad et pour chasser l’occupant. J’espère que les Irakiens feraient de même si un autre pays arabe était occupé. Ces Arabes se sacrifient et perdent chaque jour, ces derniers temps, une dizaine d’hommes. L’un, à qui je promettais de veiller à ses funérailles dans le cimetière des Martyrs s’il disparaissait, m’a répondu : « Je n’ai besoin d’aucune sépulture ». Un autre m’a confié : « Je ne veux pas rentrer chez moi. Je suis venu ici pour mourir ». Ces Arabes sont, au même titre que nous, des combattants de Fallouja. »
Ces Arabes se sacrifient chaque jour, comme ils l’auraient fait si Saddam avait massacré allègrement leurs frères Arabes. Enfin non, ça compte que si il y a un roumi dans l’affaire la solidarité musulmane. Info amusante au passage: ils meurent par dizaine tous les jours ces braves étrangers ? Ah la joie de combattre une armée moderne avec les meilleurs soldats au monde dans un environnement inconnu! Quel plus court chemin pour retrouver les 72 vierges, je vous le demande!
Un habitant, T., a un autre point de vue. « Ces Arabes sont fous, dit-il. Eux ont abandonné leurs familles dans leurs pays d’origine et se foutent complètement du sort de nos familles. Ils ne sont venus que pour mourir. »
CQFD. Mais ça n’empêche pas la « résistance » d’être du bon côté et les Américains d’être de vilains impérialistes.
A l’approche de la bataille, beaucoup d’habitants de la Cité des mosquées ont pris la route de l’exode. « 90 % des femmes, enfants et vieillards ont quitté Fallouja », reconnaît le cheikh Taghloub Al-Alousi. Ils se sont réfugiés soit à Bagdad, soit dans des villages autour de la ville rebelle. « Les gens ont commencé à partir il y a un mois, parce que l’armée américaine diffusait des appels au départ par haut parleur, raconte F., le messager. Par contre les hommes en âge de combattre restent en ville. »
Les hommes en âge de combattre restent en ville car sinon aux checkpoints tenus par les terroristes ils sont abattus sur place s’ils tentent de fuir serait plus correct. « Comment ça, frère, tu veux t’en aller alors que tu as une opportunité unique de rejoindre les 72 vierges ? Mais tu dois être un salaud d’espion à la solde de l’entité américano-sioniste! à la fosse commune, tout de suite! ».
Notez au passage que l’armée US prépare le terrain tranquillement depuis un moment dans le but de minimiser les pertes civiles. Les terroristes sont bien confiants pour laisser partir leurs meilleures protections…
Ils ont d’ailleurs peu le choix. Après la bataille d’avril, la « Choura des moudjahidins » a instauré un ordre islamique très strict sur la ville. Puis l’imam Abdallah Al-Janabi a peu à peu, par ses prêches, interdit la ville aux « étrangers », y compris aux Irakiens d’autres villes. Des récalcitrants ont été assassinés. Des habitants de Fallouja ont été exécutés pour « espionnage ». Et la « Mecque des moudjahidins » est devenue un sanctuaire pour des mouvements spécialisés dans les enlèvements.
Qu’est-ce que je disais…
Les voix qui, l’an dernier, affirmaient, tout en critiquant l’action américaine, ne rien vouloir céder aux rebelles se sont tues. A l’heure où l’assaut paraît inévitable, Fallouja, encerclée, pilonnée, retient son souffle.
Fallujah va enfin être libérée. Les habitants vont pouvoir pousser un grand soupir de soulagement. Ouf. Une dernière note sur Rémy Ourdan: même si ses articles sont biaisés de façon ridicule, ils sont tout de même très intéressants car truffées de perles: les jihadistes viennent de l’étranger, ils ont des intérêts divergents avec les tribus locales, ils font régner la terreur, l’armée US fait tout pour éviter les pertes civiles… Bref quand on a appris à le lire, un peu comme toute la presse française, on décrypte bien la situation réelle!
Une conclusion sur Fallujah: les jihadistes sont tombés dans le piège. Bring’em on. Ils sont là. Maintenant, let’s roll!