Chirac ne trouve décidément pas de dictateur assez dictatorial pour refuser de traiter avec. Dernier exemple en date, Hugo Chavez. Admirez la présentation de la visite par Le Figarose, un modèle de propagande gratuite au service du Quai d’Orsay:
Hugo Chavez en visite à Paris pour resserrer ses liens avec l’Europe
Répondre à la main tendue d’Hugo Chavez pour éviter qu’il se jette dans les bras d’alliés plus sulfureux. Telle est, en substance, la stratégie de Jacques Chirac, qui recevait hier pour la cinquième fois son homologue vénézuélien, en escale à Paris. Les deux hommes se connaissent bien, et s’apprécient. Ils partagent une vision multipolaire du monde, à l’opposé de la conception américaine.
Chirac souhaite éviter à Chavez de sombrer du côté obscur. C’est une blague, évidemment. Chirac est du même côté que Chavez, anti-américain, pro-dictatures diverses (théocraties, autocraties, communistes…) et il accueille un allié et partenaire commercial potentiel pour tout ce que « la France » a à vendre: Airbus, centrales nucléaires, trains. Ce n’est pas un hasard si Chirac a reçu 5 fois Chavez. En a-t-il fait autant pour le président brésilien ou argentin ? Non, bien sûr…
Hugo Chavez se souvient de la condamnation par la France de la tentative de coup d’État à son encontre, en avril 2002, et de la résistance diplomatique menée par Paris contre l’intervention militaire en Irak. Jacques Chirac est sensible aux préoccupations sociales du dirigeant bolivarien dans un pays comptant près de deux tiers de pauvres. Il se félicite aussi des sacrifices financiers consentis par le Venezuela, premier pays pétrolier à adhérer au protocole de Kyoto sur le changement climatique.
Traduction: tous les deux socialistes et anti-américains, ils souhaitent imposer leurs lubies écolos au reste du monde, en commençant hélas par leurs populations déjà durement appauvries par leurs politiques absurdes.
Outre la défense des intérêts des entreprises françaises le pétrolier Total brigue de nouvelles exploitations, et Alstom aimerait obtenir le marché des nouvelles lignes de métro de Caracas , Paris est prêt, aux côtés de Madrid, à aider le président vénézuélien à resserrer ses liens avec l’Europe.
Et voilà les motivations de Chirac…
Car, ces derniers mois, Hugo Chavez a surtout investi les échanges «Sud-Sud», mettant à profit les cours exceptionnellement élevés du pétrole (plus de 55 dollars hier) pour mettre sur pied une diplomatie au service de sa «révolution bolivarienne». Caracas a ainsi renoué avec la Libye de Muammar Kadhafi, le Zimbabwe de Robert Mugabe et surtout l’Iran de Mohammad Khatami. Le président iranien est attendu ce jour au Venezuela pour une visite de trois jours.
C’était quoi déjà la justification officielle ? Eviter que Chavez ne se jette dans les bras d’alliés plus sulfureux ? Il manque juste la Corée du Nord et le Soudan et Chavez aura la carte de visite de toutes les pires dictatures du monde.
Afin de moins dépendre des États-Unis, qui représentent 85% des exportations vénézuéliennes de pétrole brut, la compagnie nationale d’hydrocarbures PDVSA a multiplié les accords avec ses homologues chinoises, russes et iraniennes. Le contrat qui sera signé aujourd’hui avec Mohammad Khatami pourrait, par exemple, instituer un commerce triangulaire : Caracas approvisionnerait les clients de l’Iran en Amérique latine et Téhéran ceux du Venezuela en Asie. Ces alliances permettraient à Hugo Chavez de «couper le robinet». PDVSA envisagerait même, selon des rumeurs récurrentes, de se défaire de sa filiale américaine Citgo.
Chavez s’est allié avec les pires ennemis des Etats-Unis et va donc forcer les compagnies US à trouver d’autres fournisseurs de pétrole. Comme ça il va pouvoir faire de fructueux échanges avec l’Iran. Peut-être pour de la technologie nucléaire ? Allez savoir…
Une mauvaise nouvelle pour les États-Unis, déjà ulcérés par la solide amitié nouée entre Hugo Chavez et le Cubain Fidel Castro. Les idées du Lider Maximo et les moyens financiers de celui qui se présente comme son fils spirituel pourraient, selon eux, faire des ravages dans la région. Alors que Chavez multiplie les accords pétroliers avec le Brésil, l’Argentine, et tout récemment l’Uruguay, Washington l’accuse d’aider les mouvements déstabilisateurs. De son côté, le président vénézuélien est convaincu que les Américains veulent l’éliminer à tout prix : «S’il m’arrive quelque chose, on saura qui est le responsable : le président des Etats-Unis, dont le gouvernement a démontré à quel point il était dénué de scrupules. Si George W. Bush parvenait à ses fins, il s’en repentirait aussi vite car le cours du pétrole dépasserait alors les 100 dollars», a-t-il prévenu hier.
Amusant comme Le Figaro lie les accords commerciaux avec les accusations de « déstabilisation »: il n’y a pas de lien, et l’article laisse penser que c’est en tant que concurrent commercial que le Venezuela provoque l’exaspération US. C’est plutôt pour le financement et l’aide apportée aux FARCs en Colombie, l’achat d’armes à la Russie (des Mig 29 récemment, 100.000 AK-47 dont la destination finale est probablement les FARCs)…
L’Amérique Latine va mal, très mal, et il semble que toute l’attention US soit focalisée sur le Moyen Orient et l’Asie. Pourquoi ne pas s’y intéresser aujourd’hui ? Cela éviterait peut-être que ce soit aux Marines d’y intervenir dans une décennie ou deux…
Mise à jour:
Juste quand j’écris sur Chavez, je reçois dans mon mail un article de Times sur le sujet Chávez’s Venezuela prepares for confrontation with the US.
Condi Rice a l’oeil sur Chavez:
Condoleezza Rice, the US Secretary of State, has branded Venezuela a « negative force in the region ». US officials are increasingly worried at what they perceive to be Señor Chávez’s creeping authoritarianism and military build-up, and believe it could destabilise the region. « We are concerned, » said one.
Tant mieux. Son pouvoir de nuisance est énorme. Et lui laisser l’initiative ne ferait que l’encourager. Rêve-t-il d’un « Grand Venezuela » façon « Bolivar », avec un Lider SuperMaximo, à gauche toute ? A quoi bon acheter des armes, encourager les FARCs, se positionner en champion anti-américain ? Il y a bien la mégalomanie, une part de démagogie, mais il y a peut-être bien plus.