Trouvé dans Le Monde un article bien intéressant qui donne les clés du futur de Gaza, sous le titre « A Gaza, l’Autorité palestinienne et le Hamas se préparent aux défis de l’après-« libération ».
Le temps des graffitis de l’Intifada est-il révolu ? A la veille du démantèlement des colonies israéliennes de la bande de Gaza, l’Autorité palestinienne a lancé une opération de nettoyage des murs des villes de l’étroite bande de terre, surchargés de slogans et de dessins vengeurs.
Quelques graffitis… quid de la propagande anti-juive continue sur la télé de l’Autorité Palestinienne ? Quid des manuels scolaires ? Quid de colonies de vacances-camps d’entraînements pour le Hamas ? Tout cela n’est que du vent pour occidental naïf…
Pour s’informer des mots d’ordre de la nouvelle période qui s’ouvrira, en théorie, après le retrait de Tsahal, à la fin du mois de septembre, il faut lever la tête.
Les banderoles tendues en travers des rues parlent tout autant de « libération » que de « reconstruction » , avec, comme perspective politique, « Gaza d’abord, puis la Rive [occidentale du Jourdain, la Cisjordanie] et Jérusalem » , même si personne n’évoque, aujourd’hui à Gaza, toutes factions confondues, une éventuelle reprise des négociations avec Israël. Après cinq années de violences ininterrompues – surtout au cours des deux dernières - , une page se tourne, non sans appréhension.
Ils effacent donc les graffitis pour les remplacer par des nouveaux. Qu’appréhendent-ils au fait ? Plus de violence ? Il ne tient qu’à eux de négocier… mais négocier quoi ? Il n’y a plus personne avec qui négocier.(et comme le souligne justement Harald, rien à négocier)
Au nom de l’unité du « peuple » célébrée par ces mêmes banderoles, il n’est pas question, officiellement, de désigner un vainqueur parmi les principaux partis palestiniens. Ghazi Hamad, un cadre du Mouvement de la résistance islamique (Hamas), a pourtant son idée. « Gaza n’a pas été libéré par la négociation , explique ce rédacteur en chef d’un hebdomadaire islamiste, Al-Risala, mais bien par la pression militaire, les tirs de qassams [roquettes artisanales palestiniennes] et les attaques contre les colonies. La stratégie de la lutte armée que nous défendons a clairement montré sa supériorité. » L’opinion publique palestinienne est majoritairement acquise à cette idée, même si elle refuse, pour autant, que le Hamas s’arroge à lui seul les lauriers du retrait.
Le Hamas a déjà gagné les élections municipales en janvier (si je me souviens bien), avec les 2/3 des voix. Une victoire militaire aux yeux des électeurs se transforment en victoire électorale. Que peuvent attendre dans le futur les Israëliens sinon plus de Qassam ?
Une parade militaire organisée par le Hamas, le 12 août, dans le camp de réfugiés de Jabaliya, a été jugée sévèrement. Ghazi Hamad lui-même estime qu' »il ne s’agissait pas d’une bonne idée » . Pas question pour lui de se lancer aujourd’hui, dans les rues, dans une bataille de drapeaux. Le Fatah, son principal rival, qui constitue la colonne vertébrale de l’Autorité palestinienne, ne défile d’ailleurs que sous les couleurs palestiniennes, les seules admises par la population en cette période de liesse. Au cours d’une conférence de presse, le 13 août, Ismaïl Haniyyé, l’un des principaux dirigeants du Hamas, a pris soin d’associer les « martyrs » du Fatah, et même du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), à ceux de son mouvement, à commencer par le cheikh Ahmed Yassine, tué par un tir de missile israélien le 22 mars 2004, dans le nord de Gaza.
Ils célèbrent les terroristes (heureusement que le terme « martyr » est mis entre guillemets! bravo Le Monde). Ils font des défilés militaires. Mais il y a clairement une lutte de pouvoir entre le Fatah et le Hamas… et le Hamas tient la corde.
Alors que chacun anticipe un raidissement de la politique israélienne après le retrait, compte tenu d’échéances politiques intérieures, l’envergure nouvelle du Hamas, qui a incontestablement profité de la dernière Intifada, ne va-t-elle pas monter à la tête de ses dirigeants ? « Nous ne sommes pas l’Autorité, nous ne voulons pas gérer Gaza à sa place, mais nous voulons participer aux décisions, à commencer par ce que l’on va faire de ces territoires libérés. Pour le reste, des élections sont prévues en janvier, nous verrons le moment venu qui est le plus fort » , assure le rédacteur en chef d’Al-Risala .
En janvier, le Hamas prend le pouvoir, tel est le message. Espérons qu’Israël suive la seule logique possible: riposter, coup pour coup, et même plus. Avoir des radars qui calculent d’où partent les roquettes ou obus de mortiers connectés à des batteries d’artillerie (du 155mm, 50m de zone mortelle par obus) par exemple… bien sûr, pas d’intervention humaine: réponse automatique. Mieux encore: des drones armés. Votre jardin a servi à lancer une roquette ? Dommage, il faut reconstruire votre maison!
De son côté, l’Autorité tente d’occuper le terrain. Le vice-premier ministre palestinien, Nabil Chaath, a annoncé, samedi, de premiers éléments concrets : la construction d’une cité financée par les Emirats arabes unis à la place de la colonie de Morag, au sud, et l’utilisation de celle de Netzarim, au centre, pour le projet de port en eau profonde. L’administration chargée du retrait, sur laquelle l’ambitieux ministre Mohammed Dahlan a jeté son dévolu, a édité à l’intention des visiteurs une plaquette luxueuse où il est question de redécouvrir le « joyau » de Gaza.
Port en eau profonde ? De quoi importer tranquillement des armes, des munitions… ou de faire de l’export de fruits et légumes. Quel est le plus probable avec le Hamas au pouvoir ? De toute façon étant donné l’épisode du « Karin A » (bateau chargé d’armes pour l’Autorité Palestinienne), nul doute que quelle que soit la faction les armes arriveront par cargaisons entières…
L’Autorité a cependant fort à faire, compte tenu d’une image durablement dégradée. Les mises en garde du Hamas quant à une éventuelle gabegie dans l’utilisation des fonds promis par les pays donateurs trouvent un écho dans la population. Eyad Sarraj, un psychiatre responsable d’un programme de suivi d’enfants traumatisés par les violences de ces dernières années, se montre très sévère. « L’inefficacité de l’Autorité nous a presque conduits à penser que nous ne sommes, au fond, bons à rien, que nous avons besoin de quelqu’un pour nous diriger. » Si le président de l’Autorité, Mahmoud Abbas, trouve grâce à ses yeux, du fait de son « courage » et de la « clarté de ses choix », le Fatah, son parti, ne mérite, selon le médecin, que des sarcasmes.
L’Autorité Palestinienne… complètement discréditée. La corruption, les détournements de fonds, l’incompétence générale à diriger ne serait-ce que quelques villes, ont miné son « Autorité ». Le Hamas ne fera peut-être pas mieux, mais avec sa branche « sociale » il aura au moins une sympathie qui fait totalement défaut aux rapaces de l’Autorité.
« C’est un cas désespéré. C’est dur à dire pour un laïque comme moi, mais le Hamas a changé, même si j’aurai toujours un désaccord fondamental avec lui, assure-t-il. Il se comportait bien plus mal au début des années 1990. Ses dirigeants ont appris de leurs erreurs, à commencer par leur intransigeance. Jusqu’à présent, je n’ai noté, à Gaza, qu’un seul incident grave dans lequel le Hamas a franchi les limites. Mais, avec le Fatah, c’est en permanence. Si on parle de l’insécurité et du problème des armes, c’est vers le Fatah qu’il faut se tourner. »
Il est vrai que les règlements de comptes et les enlèvements de ressortissants étrangers survenus ces derniers mois renvoient toujours aux groupuscules issus de ce mouvement. Les tentatives, avérées ou non, du chef théorique du Fatah, Farouk Kaddoumi, de constituer une milice supplémentaire ont encore ajouté au discrédit, d’autant que le chef du bureau politique de l’OLP, hostile en 1994 aux accords d’Oslo, se trouve toujours en exil à Tunis.
« Le Fatah n’a pas dit son dernier mot, modère un intellectuel palestinien proche de M. Dahlan. Plus le Hamas deviendra fort, jusqu’à défier physiquement l’Autorité, comme cela a été le cas en juillet [lors d’échauffourées] et plus le Fatah resserrera ses rangs. Mais il n’a plus toutes les cartes en main. Il faudrait maintenant qu’il puisse convaincre les Palestiniens que la négociation avec Israël, qui reste son credo politique, est rentable. Comme rien n’a été réglé des questions telles que l’avenir du port, de l’aéroport, d’un lien terrestre avec la Cisjordanie, les opportunités ne manquent pourtant pas. »
Echauffourées = fusillades, je précise pour ceux qui ne suivent pas l’actualité de la guerre civile palestinienne. Le Fatah n’a pas pour mot d’ordre les négociations avec Israël, c’est absurde: les brigades des martyrs d’Al Aqsa en font partie, et se font exploser dans les centres commerciaux…
D’autre part, si on parle d’insécurité, ce n’est pas vers Israël qu’il faut se tourner… cruel aveu de la réalité palestinienne: leur plus gros problème c’est d’avoir bâti une « nation » sur le terrorisme, par les armes, dans la haine. Résultat: ils ne sont absolument pas préparés à vivre paisiblement. Ils ne comprennent même pas le concept probablement… Il va leur falloir apprendre seuls. Et sous le feu d’Israël.