J’ai entendu souvent dire que « la base de la pédagogie, c’est la répétition« . Hélas, ça marche pour tout type d’information, qu’elle soit à caractère commercial, religieux, politique… les mensonges les plus éhontés peuvent donc circuler aisément pour peu qu’ils soient sans cesse répétés. Il en est ainsi de l’étude publiée par The Lancet, journal médical anglais, sur la mortalité civile depuis Operation Iraqi Freedom en 2003. Cette étude détermine qu’il y a 95% de chances pour que les morts civils se comptent entre 8.000 et 194.000. Cela ne veut pas dire qu’il y en a plus de probabilité qu’il y en ait 8.000 que 194.000, non, cela veut dire que le chiffre réel est à 95% situé entre ces deux extrêmes (voir l’inévitable Instapundit pour de plus amples explications). Ce qui n’exclue pas non plus, à 5% de probabilité, qu’il soit moindre ou plus élevé. Bref, c’est de la poudre aux yeux, d’autant plus que la méthodologie employée pour produire les chiffres soit largement battue en brèche! (voir pour cela les liens de 100.000, notamment Very bad methodology). Je pourrais tout aussi bien clamer que le nombre de morts civils se situe entre 0 et 1.000.000, avec un « intervalle de confiance de 99% » (sans même calculer quoi que ce soit…)!
Et pourtant les médias occidentaux ont tous emboîté le pas, en affichant des gros titres dans le genre « L’invasion de l’Iraq coûte la vie à 100.000 civils« . Pourquoi 100.000 ? Parce que (194.000+8.000)/2=101.000. Arrondissez à 100.000 et voilà un chiffre qui se retient facilement, qui marque les esprits. Il suffit ensuite de le répéter à l’envie. Et le chiffre devient vérité. C’est ainsi qu’il est fréquemment utilisé dans les médias anglophones. Je l’ai aussi trouvé récemment dans Le Monde, jamais en panne de mensonges:
Des experts réclament une enquête indépendante sur les civils tués en Irak
LEMONDE.FR | 11.03.05 | 09h04
Les estimations concernant le nombre de civils tués du fait de la guerre en Irak varient grandement. Alors que les statistiques irakiennes font état de près de 3 300 morts, une étude de chercheurs américains réalisée en Irak en recense près de 100 000.
Autant 3.300 semble peu, car il a suffi de quelques gros attentats pour tuer des dizaines voire des centaines de civils en une seule fois, autant 100.000 représente un carnage continu! 60 civils par soldat US. Un peu si pour chaque soldat US tué, l’armée US rasait un hameau par l’artillerie, une frappe aérienne, ou des chars… bref une force totalement disproportionnée, qui laisserait derrière elle un paysage désolé, des centaines de blessés (car ne pas oublier que pour chaque mort il y a 3 à 10 fois plus de blessés). De quoi alimenter les journaux télévisés non ? Où est sont les images ? Où sont les protestations furieuses des Iraqiens ? Vous imaginez l’impact militaire d’un tel carnage ? Cela pousserait des centaines de personnes dans les bras de groupes de résistants (en face d’une armée qui massacre ses prochains, quel titre donner à ceux qui la combattent ?). Mais ce n’est pas le cas. Les Iraqiens se précipitent massivement aux urnes. Pour élire le gouvernement de « collabos » de « l’armée d’occupation » qui massacrerait autant sinon plus que la police de Saddam en son temps! Et personne au Monde n’a le moindre esprit critique et ne prend la moindre précaution en répétant ce chiffre ?
Un groupe d’experts en santé publique a lancé un appel, vendredi 11 mars, en faveur de l’ouverture d’une enquête indépendante sur le nombre de civils tués en Irak depuis le début de l’intervention militaire américano-britannique. Dans un communiqué publié sur le site Internet de la revue médicale britannique British medical journal, cette vingtaine d’experts originaires de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, d’Australie, du Canada, d’Espagne et d’Italie accusent les gouvernements américain et britannique de minimiser le nombre de victimes civiles du conflit.
Bien sûr pour qu’un mensonge passe mieux il faut l’enrober d’un peu de crédibilité: en l’occurence les journaux médicaux anglais (The Lancet et maintenant British medical journal) et quelques chercheurs en panne d’exposition médiatique (et certainement de subventions).
« Nous pensons que le refus conjoint du Royaume-Uni et des Etats-Unis de faire le moindre effort pour connaître le nombre de victimes irakiennes […] est totalement irresponsable« , lancent ces experts, qui estiment que « recenser les victimes peut contribuer à sauver des vies non seulement aujourd’hui mais aussi dans le futur« . Et de poursuivre : « Comprendre les causes de la mort est au cœur des responsabilités de santé publique, nationalement et internationalement.«
Il n’est évidemment pas du tout dans l’intérêt d’une armée de connaître l’efficacité de ses armes, de ses tactiques, de l’impact sur les populations (au niveau mental). L’armée US n’explore donc certainement pas des tonnes de statistiques, elle préfère raser les villes et Dieu reconnaîtra les siens!
Ils jugent, en outre, inacceptable la pratique suivie par les deux principaux pays engagés militairement en Irak qui consiste à s’appuyer sur les statistiques du ministère irakien de la santé. Selon eux, ces données atténuent la réalité pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elles ne prennent pas en compte les douze premiers mois de l’intervention militaire et qu’elles recensent uniquement les morts directement liées aux violences et non aux conséquences sanitaires de la guerre.
Ah les critiques justifiées que voilà: il faudrait bien sûr faire confiance aux journalistes d’Al Jazeera, aux chiffres des terroristes! D’autre part pour les 12 premiers mois l’armée US doit bien avoir ses propres statistiques (et comme d’autres, j’aimerais les voir!). Enfin si l’on se lance dans des considérations de « conséquences sanitaires » et autres, alors il va falloir parler de la mortalité avant l’intervention US.
D’après les statistiques irakiennes, 3 274 civils ont été tués du 1er juillet 2004 au 1er janvier 2005. Les autres estimations non officielles varient grandement.
D’après Iraq Body Count, organisation d’universitaires et de pacifistes recoupant les informations des médias, entre 16 231 et 18 509 Irakiens ont perdu la vie du fait de la guerre.
3274 en 6 mois ? Ca fait 7000/an (en arrondissant), et là le chiffre rejoint à peu près (16.000 en 2 ans) celui du site orienté « Iraq Body Count Project » (qui utilise lui aussi une méthode discutable). Et si les statistiques officielles étaient plus proches de la réalité que l’extrapolation statistique ?
Une étude de chercheurs américains réalisée en Irak fait état, pour sa part, de 98 000 morts liés à « l’invasion de 2003 ». Cette étude, réalisée par le Dr Les Roberts, de l’hôpital Johns Hopkins à Baltimore (Etats-Unis) et ses collègues, avait été publiée en octobre 2004 par la revue médicale britannique Lancet. Ces quelque cent mille civils irakiens, en majorité des femmes et des enfants, seraient morts pour la plupart de mort violente.
Et voilà le recyclage de l’étude bidon! Un carnage de femmes et d’enfants, morts de mort violente! Tous les jours, 150 victimes. Tous les jours, 300 blessés! Sans qu’on en sache rien. Sans qu’un seul journaliste ne tombe sur un hôpital remplit de victimes démembrées ? Impossible.
Pour arriver à ce résultats, les chercheurs avaient comparé la mortalité durant les 14,6 mois précédant l’occupation et les 17,8 mois suivants et avaient estimé à 98 000 le nombre de décès exédentaires, sans même tenir compte de la mortalité dans la région de Fallouja, où sont rapportés deux tiers des décès par mort violente. L’enquête avait porté sur un total de 988 foyers irakiens, répartis dans 33 localités, les données ayant ensuite été extrapolées à l’ensemble du pays.
Le gouvernement britannique a formellement rejetté cette estimation. « Nous continuons à estimer que les chiffres du ministère irakien de la santé sont les meilleurs que l’on peut obtenir dans une situation incertaine, car ils sont basés sur un décompte par tête au lieu d’une extrapolation. Dans le climat d’insécurité actuelle, une recherche plus précise n’est pas faisable », a déclaré un porte-parole du ministère britannique des affaires étrangères.
Pour le professeur Klim McPherson, épidémiologiste à l’université d’Oxford, l’appel des experts en faveur d’une enquête indépendante sur les victimes civiles de la guerre est une réaction aux manœuvres dilatoires du gouvernement britannique à ce sujet. Surtout que selon lui, l’estimation de 100 000 morts semble certes élevée, mais rien n’indique qu’elle soit erronée.
Rien n’indique que l’estimation de 100.000 soit erronnée, sinon le simple bon sens. C’est certainement trop en demander aux journalistes qui ne demandent qu’une chose: croire. Messieurs, on vous demande plus que ça: critiquez, vérifiez, recoupez, et faites sortir la vérité. Faites votre boulot.
Mise à jour:
allez lire That Lancet Study! The one about 100,000 dead Iraqis, notamment les commentaires: tous les arguments y sont.
Pour trouver toutes ces victimes, c’est facile: il suffira d’attribuer aux militaires de la coalition les prochains charniers découverts en Irak. Ca va venir…